La plupart des œuvres de cette artiste offrent un large degré d’ouverture sur le monde, sur la narration et sur l’imaginaire, mais aussi sur une certaine mélancolie (celle d’usages défunts entre autre) : journaux épars sur le sol, fauteuils de salon réduits à des tissus ruinés et sans structure, lustre mourant. Ses pièces, toutefois, ne se contentent pas d’inviter à la rencontre émotionnelle, elles questionnent également et l’histoire de l’art et la constitution même des œuvres. C’est tout particulièrement le cas pour Echafaudage. Dans cette salle des communs de Tanlay, on dirait bien que l’accrochage n’est pas terminé, qu’à tout le moins on a oublié de ranger l’échafaudage. Et c’est bien ce que souhaite l’artiste, qu’on se méprenne, qu’on ait la certitude (car le plus souvent, on croit plus qu’on ne voit) de se trouver face à un objet fonctionnel du monde réel. Et quel objet ! L’échafaudage, cependant, n’est pas seulement utilisé dans le bâtiment : les artistes aussi en usent pour la fresque ou la sculpture de grande dimension. Et réfléchir sur l’échafaudage n’est pas si différent que penser la question du socle comme l’a fait Brancusi et, plus habituel, Didier Vermeiren. A s’en approcher, le visiteur s’aperçoit vite que ledit échafaudage est constitué non du métal habituel, qui en assure la solidité et la rigidité, mais de béton. En effet, cette frêle structure métallique qui sert à l’édification de bâtiments altiers et immortels, en béton, se voit ici rendue à la fragilité si paradoxale d’un matériau qui révèle sa sublime faiblesse, son insoupçonnable préciosité.