Les oeuvres de Dominique Ghesquière éternisent un geste suspendu. Suspension de la finition de l’objet, interrompue malgré la persistance d’un "défaut de fabrication", soit de son usage, interdit par la fragilité de la matière. Le trompe-l’oeil tient dans la pratique sculpturale de Dominique Ghesquière un rôle temporisateur à force de perspective convaincante et d’imitation minutieuse. Au lieu de forger un décor spectaculaire au moyen d’expédients pauvres, Dominique Ghesquière inverse la farce du trompe-l’oeil. Les objets de Dominique Ghesquière contraignent le familier à se dérober insensiblement : formellement identiques, matériellement autres, ils piègent notre prétention à vouloir voir et comprendre simultanément. Le merveilleux n’a pourtant pas déserté son travail. Il s’agit plutôt d’un étonnement infiltré au commun, plus proche du sentiment d’étrangeté que du fantastique. L’artiste ne prélève pas du réel des objets ready-made, mais en transpose les formes dans des matériaux impropres à l’usage. Les objets qu’elle choisit de refaire (ou de faire refaire) ne sont ni des babioles, ni des curiosités, mais des choses de la vie courante. L’observation et la compréhension sont également immobilisées par la contradiction des apparences : une flaque vraisemblablement d’eau, en réalité d’époxy, résiste à l’évaporation ; des gouttes de pluie, en fait de verre, perlent aux carreaux d’une fenêtre sans jamais s’écouler (pluie permanente, 2003). Le travail de Dominique Ghesquière suscite des aberrations, des erreurs de jugements dues à un illusionnisme discret mais sournois. Il nous invite à aiguiser notre perception, pour détromper notre compréhension hâtive et mécanique des choses.