Un parcours de l’œuvre illusionniste de Dominique Ghesquière à travers les principales expositions qui lui ont été consacrées depuis une dizaine d’années (Synagogue de Delme, Rijksakademie van beeldende kunsten, BF15, Frac Bourgogne, Chez Valentin, La Station), avec deux essais et un entretien.
Cette monographie est une invitation à cheminer dans le travail de Dominique Ghesquière comme on découvre un paysage : ce livre est d’abord un volume qui se pratique et s’explore peu à peu, avec ses moments forts et ses lieux de repos.
L’ouvrage comporte deux essais et un entretien. L’essai de Marie de Brugerolle analyse les formes de résistances au sein du monde des objets dans lequel ceux de Dominique Ghesquière « font diversion » : « Un peu comme des chevaux de Troie invisibles, utilisant toutes les ruses de la mètis pour mimer le réel dans lequel ils évoluent, ils opèrent une révolution permanente, celle de remettre l’histoire en mémoire, c’est-à-dire au présent. [...] Parfois si discrets que leur présence relève du camouflage, comme les gouttes de pluie permanente, ils minent l’autorité des lieux, parce qu’ils impulsent une perturbation de leur ordonnancement. »
Pour Philippe Pirotte, les œuvres de Dominique Ghesquière laissent entrevoir la possibilité d’échapper au régime totalisant et englobant de la raison communicationnelle : « Leur opacité détient une charge potentiellement intimidante semblable à l’art des époques très reculées. Elles résistent à toute forme de réduction linguistique ; elles affichent ostensiblement leur mutisme. De ce fait, leur place demeure toujours au-delà des limites de toute énonciation possible, là où précisément, comme le dit Roland Barthes, échoue toute démarche linguistique qui pense en termes de discours ».
« Je guette – dit l’artiste – dans la vie courante le détail, le léger déplacement de l’ordinaire qui tout d’un coup me surprend et ensuite me fait rêver. Mes pièces ont une référence très concrète à la vie de tous les jours, il y a toujours un premier point d’accès facile. C’est un peu comme les contes qui parlent des choses de la vie mais qui n’expliquent pas. Mon travail ne décrit pas et n’explique pas » (conversation avec Frédéric Oyharçabal).
Les œuvres de Dominique Ghesquière (née en 1953 à Pensacola, États-Unis, vit et travaille à Paris) proviennent d’objets du quotidien. Elles suscitent des aberrations, des erreurs de jugement dues à un illusionnisme discret qui nous invite à aiguiser notre perception, pour détromper notre compréhension hâtive et mécanique des choses. Elles gardent la trace d’une tension entre l’objet et son double artistique. Cette tension, associée à la manière dont chaque œuvre investit le lieu d’exposition, constitue leur mode d’être, présences fragiles à la portée conceptuelle et émotionnelle forte.
Frédéric Oyharçabal